Quels numéros de magie politique ont-ils marqué l’actualité entre le 4 et le 10 avril 2022 ?

(Rappel : la liste des tours cités ici – ils sont notés en italique – se trouve sur cette page)

Ça y est, nous avons enfin le palmarès du premier tour de la présidentielle !

  • Accusé d’avoir escamoté la campagne, Emmanuel Macron aura réussi à faire un meilleur score au premier tour qu’il y a cinq ans. Comme en 2017, lorsque le scandale touchant François Fillon lui avait permis de jouer sa carte, il aura profité d’une conjoncture favorable : accaparé par la guerre en Ukraine, il sera apparu comme un président trop occupé pour s’abaisser à débattre avec ses adversaires… Il aura donc exécuté sans difficulté son numéro de « carte ambitieuse » : même quand ses concurrents mettent le paquet pour qu’il se mêle à eux et que son titre soit remis en jeu, lui parvient à rester au sommet !
  • Classés en seconde et troisième position, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon auront manifestement réussi à faire oublier leur manque de clairvoyance sur les questions internationales, bien qu’adversaires et journalistes ne se soient pas privés de rappeler leurs ambiguïtés vis-à-vis de Vladimir Poutine. La parenthèse d’oubli leur aura permis de s’ériger en recours crédibles face au président sortant. Au passage, le candidat de la France insoumise aura bien siphonné les voix du candidat écologiste en appelant les électeurs de gauche au vote « efficace » – modeste punition envers Yannick Jadot, sans doute, pour avoir échoué à placer le thème de l’écologie au cœur de la campagne, même après une nouvelle publication du Giec indiquant qu’il nous reste à peine trois ans pour agir et arrêter de mentir
  • Arrivé loin derrière, Éric Zemmour affiche un résultat décevant pour ses soutiens… Et néanmoins remarquable : non content d’avoir fait croire à bon nombre de nos concitoyens qu’il avait quelque compétence en histoire (une opinion que ne partagent pas les historiens de métier), il aura tout de même convaincu environ 7% d’électeurs qu’il était un candidat sérieux ! À vrai dire, il aura sans doute convaincu beaucoup plus de Français que cela, et surtout quantité de journalistes : ses sujets de prédilection ont dominé l’actualité depuis la rentrée 2021. Il aura fait naître en quelques mois un mouvement solide, qui s’est imposé sur les réseaux sociaux tout en imposant ses propres thèmes dans le débat (Chérie j’ai agrandi le bébé). Mais les appels à ne pas croire les sondages parce qu’il existerait un « vote caché » en sa faveur n’auront pas suffi : l’illusionniste aurait dû s’assurer de mettre lui-même en place le double fond – et non, il aurait fallu davantage qu’un simple faux sondage !
  • Notons également qu’Éric Zemmour et Marine Le Pen nous auront offert un ballet intéressant ; la répartition des rôles et des sujets entre les deux candidats d’extrême droite aura assurément bénéficié à la présidente du Rassemblement national : le contraste entre le « mauvais flic » focalisé sur les enjeux d’immigration et la « bonne flic » qui fait de la place pour les questions sociales aura utilement contribué à la dédiabolisation de cette dernière. Dommage pour les anciens soutiens qui l’auront quittée au profit du polémiste de plateau télé : il y a encore du Volte-flash dans l’air…
  • Enfin, on portera au crédit de Valérie Pécresse et d’Anne Hidalgo la disparition des deux forces politiques qui ont alterné au pouvoir depuis la Seconde Guerre mondiale, Les Républicains pour l’une (moins de 5% des voix) et le Parti socialiste pour l’autre (moins de 2%). Le fait que chacun des deux partis ait été représenté par une femme a-t-il joué ? Toujours est-il qu’en n’atteignant pas le seuil des 5%, les deux candidates ne verront même pas leurs dépenses de campagne remboursées par l’État. En plus de leurs scores lamentables, les deux partis, qui attiraient encore 56% des électeurs à eux il y a dix ans, vont donc devoir mettre la main au porte-monnaie pour survivre – et faire appel à la générosité de leurs militants