Tandis que le président de la Fédération nationale des chasseurs annonce qu’il votera pour Emmanuel Macron dès le premier tour de la présidentielle, et que les associations de protection des animaux se permettent de classer les candidats en fonction de leurs positions sur la condition animale, une phrase nous revient en mémoire : « La grandeur d’une nation et son progrès moral peuvent être jugés à la façon dont ses animaux sont traités. » Une formule attribuée sans preuve au Mahatma Gandhi, brandie par ceux qui se préoccupent plus que tout du sort de nos amis les bêtes, et que certains d’entre eux s’empressent encore de tordre en allant jusqu’à dire qu’il est légitime de juger les gens à la façon dont ils traitent les animaux. Et s’il y avait plus simple, pour évaluer comment un politicien risque de traiter ses concitoyens une fois au pouvoir ? Et si, plutôt que d’étudier la manière dont il se conduit avec les animaux, on regardait directement comment il se comporte… Avec ses semblables ? Découvrons aujourd’hui comment un magicien plus attaché à ses animaux qu’à ses assistants provoqua un carnage tout en réussissant l’exploit… De mourir deux fois.

♠ ♥ ♣ ♦

L’attention portée au bien-être animal ne se traduit pas forcément en considération pour nos congénères. L’actrice Brigitte Bardot, devenue militante pour les droits des animaux parce qu’elle se sent « beaucoup plus proche » des bêtes que des humains, a été condamnée à plusieurs reprises pour ses propos à l’égard de certains groupes : les musulmans formeraient une « population qui nous détruit, détruit notre pays en imposant ses actes », et les habitants de la Réunion une « population dégénérée », dont les membres ont « gardé leurs gènes de sauvage »…

Cet animal est bien blanc

Accusée de racisme comme son père, Marine Le Pen n’aura pas évité la plainte pour incitation à la haine raciale ; contrairement à son géniteur, cependant, sa culpabilité n’aura pas été reconnue. La dirigeante du Rassemblement national, qui avait profité du confinement pour passer un diplôme d’éleveuse professionnelle de chats, n’exclut pas de quitter la politique pour s’occuper de ces boules de poils qui lui apportent « énormément de douceur dans ce monde de brutes ». De là à penser que sa préférence pour les chats la disqualifie pour l’Élysée, où les présidents ont invariablement tenu à posséder un chien comme animal de compagnie – et souvent un labrador

Assurément, vouloir épargner des souffrances aux animaux peut involontairement en causer chez les hommes : pour dénoncer « le système d’élevage hors sol » de l’agro-industrie, des militants animalistes ont cru s’attaquer à un train transportant du soja servant à nourrir du bétail… Et se sont finalement retrouvés à détruire 1500 tonnes de blé, en pleine période de pénurie mondiale !

Les animaux en Ukraine ont besoin de votre aide…
Mais peut-être que les gens aussi

Dans le monde de la magie, la mort de Sigmund Neuberger, connu sous le nom de scène du « Grand Lafayette », est irrémédiablement liée à celle de son chien « Beauty ». Né en Allemagne en 1871, l’illusionniste avait émigré aux États-Unis à 19 ans, et commencé sa carrière en copiant le personnage de Ching Ling Foo, lui aussi. Il se spécialisa ensuite dans le transformisme, ou « change rapide de costume », et conçut un spectacle qui était moins un enchaînement de tours classiques qu’une série de performances théâtrales reposant sur des effets magiques. Cette production à grand spectacle nécessitait matériel, personnel et animaux en nombre.

Son numéro le plus connu, « La Fiancée du lion », contait le récit d’une femme blanche faite prisonnière par un pacha après avoir survécu à un naufrage. Le monarque lui laissait alors le choix : devenir sa femme ou être jetée en pâture à un lion. Résolue à mourir, la femme s’offrait au lion et, une fois enfermée dans la cage avec l’animal, ce dernier arrachait son costume : ce n’était autre que l’envoyé perse, le Grand Lafayette, venu la secourir !

Ces tableaux impressionnants valurent au Grand Lafayette la réputation d’être le magicien le mieux payé de son temps – au cours actuel, ses revenus sont estimés à plusieurs millions d’euros par an. Mais qui souhaitait-il voir profiter d’une telle fortune ? Son chien.

Le meilleur ami de l’homme

Le Grand Lafayette appréciait peu la compagnie des hommes. L’un de ses admirateurs – et peut-être son unique ami -, Harry Houdini, n’aurait pu imaginer meilleur cadeau en lui offrant une chienne. Le magicien s’enticha immédiatement de l’animal, qu’il appela « Beauty » – et, ne pouvant accepter qu’il s’agisse d’un bâtard, il fit officiellement reconnaître son appartenance à une race imaginaire, les « Royal Gleckhundts », originaires d’une île perdue des Açores… En plus de disposer d’appartements privés et d’un collier serti de diamants, Beauty avait droit à deux bains par jour, dans une baignoire en or construite pour elle, ainsi que cinq repas gourmets quotidiens, servis dans les mêmes assiettes que les invités. À Londres, le Grand Lafayette avait fait écrire sur une plaque au-dessus de la porte d’entrée de sa demeure : « Plus je connais les hommes, plus j’aime mon chien. »

Les repas trop copieux, ou simplement l’âge, causèrent la mort de Beauty en mai 1911. Inconsolable, son maître l’avait prédit : il ne pourrait y survivre. Le 9 mai, la veille de l’inhumation de la chienne, il donnait une représentation devant 3000 personnes au Palace Empire Theater d’Édimbourg. Une lampe orientale chuta sur les décors chargés de tapis, ce qui déclencha rapidement un incendie. Le public crut d’abord que le feu faisait partie du spectacle, si bien que son évacuation ne put s’organiser que l’orchestre se mit à jouer l’hymne national du Royaume-Uni, God Save the King.

Le Grand Lafayette savait amuser la galerie

Sur scène, les comédiens n’eurent pas cette chance. Le rideau de sécurité qui s’était abattu sur les planches laissait passer un filet d’air, ce qui ne fit qu’attiser les flammes. Or le Grand Lafayette, ou quelqu’un dans son équipe, avait verrouillé les portes menant aux coulisses, que ce soit pour empêcher la fuite du lion ou l’intrusion de curieux avides de connaître les secrets de l’illusionniste. Selon la légende, ce dernier se lança dans le brasier pour sauver son cheval, en écho au personnage qu’il interprétait dans la Fiancée du lion. Il n’y réchapperait pas.

Dix autres personnes périrent dans l’incendie cette nuit-là, dont une jeune fille qui jouait le rôle d’un ours en peluche mécanique. Le cheval et le lion furent également retrouvés carbonisés. Mais, deux jours plus tard, une découverte plus sensationnelle encore devait marquer l’histoire de la magie.

Sous la scène, un autre corps ressemblant à celui du Grand Lafayette fut mis à jour… Et ses bagues en diamant permirent de l’identifier : il était bien le véritable Sigmund Neuberger ! Celui qu’on avait d’abord pris pour le magicien défunt n’était qu’une doublure portant le même costume !

La petite mort

La mort des personnalités politiques apporte aussi son lot de surprises, qui parfois nous éclairent sur leur « duplicité ». Mais s’il fallut attendre son décès pour que la maladie de François Mitterrand soit exposée au public, sa « double vie » fut révélée avant même la fin de son second mandat présidentiel. Marié à Danielle Mitterrand en 1944, l’animal politique partageait la vie d’Anne Pingeot depuis 1962 – avec qui il eut une fille, Mazarine. Bien sûr, ce n’était pas un secret pour tout le monde : des journalistes avaient percé le mystère de celui que l’on surnommait le « Sphinx » à cause de la présence douteuse d’un autre animal, un canard en plastique, sur le siège arrière d’une voiture… En octobre 2021, une journaliste du Monde publiait un livre pour dévoiler un nouveau scoop : l’ancien président aurait eu une triple vie.

En politique, les « doublures » que l’on apprend à connaître à la mort de leur mentor, ce sont normalement les suppléants : si un député décède (ou s’il accède au gouvernement), c’est la seconde personne qui apparaissait sur l’affiche de campagne qui prend sa place pour gérer sa circonscription. De l’autre côté de l’Atlantique, aux États-Unis, le décès de Joe Biden amènerait la vice-présidente Kamala Harris à endosser le rôle de présidente.

Quand le sosie est lui-même un élu

De mauvaises langues insinueront forcément que certains des dirigeants pour lesquels nous votons sont eux-mêmes des doublures. Dmitri Medvedev n’est devenu président de la Fédération de Russie que pour permettre à Vladimir Poutine, limité par la loi à l’exercice de deux mandats consécutifs, de continuer à tirer les ficelles en coulisses. Et nos oligarques français ont-ils fait des marionnettes de certains de nos candidats à la présidentielle ?

Dans un autre registre, des personnalités politiques ont pu avoir recours à des sosies pour détourner l’attention ou éviter de prendre des risques physiques pour eux-mêmes – quitte parfois à accentuer la ressemblance par le biais d’opérations de chirurgie esthétique. Saddam Hussein avait tant de doublures qu’une théorie n’aura pas tardé à émerger : il n’est pas mort, car c’est un sosie qui a été pendu… Pour sûr, certains des hommes qui ressemblent à l’ancien dictateur préfèreraient rester dans l’ombre : un sosie égyptien (non officiel) raconte avoir été battu par un gang irakien pour avoir refusé de jouer le rôle de Saddam Hussein dans un film pornographique ! L’anecdote rappelle l’histoire d’une opération infructueuse de la CIA à la fin des années 50 : l’agence de renseignement états-unienne avait produit une vidéo de charme montrant un acteur ressemblant au président indonésien Sukarno avec une femme blonde censée représenter un agent soviétique… Sauf qu’au lieu de se sentir humilié, Sukarno se gaussa du film et en demanda des copies !

De quoi nous rappeler que, lorsqu’il s’agit de rigoler, certains sosies « naturels » savent heureusement jouer de leurs particularités.

Bonne (ré)élection présidentielle !