Tandis que certains se demandent si le film Don’t Look Up : Déni cosmique est la meilleure métaphore possible de notre inaction face au changement climatique, la France envisage de faire turbiner ses centrales à charbon pour passer l’hiver. En novembre dernier, la militante Greta Thunberg fustigeait le « bla-bla-bla » des représentants politiques réunis en Écosse à l’occasion de la COP26. Le président de la conférence, Alok Sharma, ne put lui-même retenir ses larmes en actant la pauvreté des engagements consentis. Les persifleurs en vinrent à ricaner que si l’on avait planté des éoliennes autour de Glasgow, l’air brassé par les dirigeants politiques aurait suffi à produire de l’énergie pour des décennies ! La COP26, ce n’était donc que du vent ? Peut-être… Mais les magiciens les plus inventifs ne savent-ils pas aussi exploiter le vent pour avancer ?

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Patriarche d’une dynastie de magiciens dont nous reparlerons, tant chacun a su s’illustrer dans l’actualité de son temps, John Nevil Maskelyne est l’un des grands illusionnistes de l’époque victorienne. Aristocrate issu, un brillant inventeur qui participa au développement du cinéma et mit sur pied le principe de paiement par pièce utilisé dans les toilettes publiques !

Mais c’est d’une autre de ses créations dont nous souhaitons vous entretenir ici : un « automate » appelé Psycho, exhibé pour la première fois en janvier 1875. Le concept d’automate n’avait rien de nouveau dans la deuxième moitié du 19e siècle. En France, Jean-Eugène Robert-Houdin, le père de la magie moderne, avait lui-même produit un certain nombre de ces machines capables de s’animer après avoir été remontées comme des horloges.

Psycho vs. COP26 : la maison brûle, et c’est la douche froide…

Le plus fameux des ancêtres de nos robots actuels avait d’ailleurs ravi les cours d’Europe dès la fin du siècle précédent : le Turc mécanique se présentait comme un automate joueur d’échecs capable d’affronter des adversaires humains. Infatigable voyageur, il aurait ainsi battu Benjamin Franklin, Catherine II de Russie et Napoléon Bonaparte !

Un article non signé du magazine Littell’s Living Age attribue à Robert-Houdin un récit de l’histoire de la machine, qui aurait dissimulé un cul-de-jatte à l’histoire torturée… S’il est très difficile d’y accorder du crédit, l’explication vaut cependant sur un point : le Turc mécanique cachait indubitablement dans ses entrailles un individu recroquevillé, ce qui rend donc impropre l’emploi du terme « automate » pour le décrire.

Dans Correspondant 17, autre film d’Alfred Hitchcock, un moulin à vent qui ne tourne pas rond joue également un rôle important

Psycho était également un automate joueur : sa spécialité à lui était le whist, une forme ancienne du bridge. Il jouait avec intelligence, informant le public de ses coups en désignant des cartes placées face à lui. En 1884, une version plus évoluée parviendrait même à bouger la tête et fumer une cigarette.

Le personnage apparaissait sous les traits d’un petit bonhomme vêtu à l’indienne (à l’époque, il n’y avait guère à se soucier des accusations d’appropriation culturelle), placé au-dessus d’une caisse en bois. Une caisse d’une taille trop réduite pour abriter un être humain, même enfant (et si certains ont sérieusement prétendu que la boîte contenait un chien, on ne voit pas bien comment la présence de l’animal aurait expliqué la faculté du mécanisme à jouer des coups judicieux…). Pour bien montrer que l’automate n’était pas relié à la terre de quelque façon que ce soit, on plaçait la boîte au-dessus d’un cylindre de verre transparent.

A voté !

Dans ces conditions, comment expliquer que Psycho parvienne à improviser et adapter son jeu à celui de son adversaire ? Vous penserez peut-être à un effet électrique ou magnétique, mais il faut rappeler que ces phénomènes étaient encore mal connus à l’époque – les ondes radio ne seraient pas découvertes avant 1886 !

En vérité, l’astuce serait mise à jour, de façon plutôt cocasse, en analysant les brevets déposés par Maskelyne et son acolyte. C’est un dilemme fréquent chez les illusionnistes qui inventent de nouveaux tours : faut-il les garder pour soi ou bien les vendre ? Et faut-il, pour les protéger, chercher à les breveter ? L’histoire de la magie est traversée de questions de propriété intellectuelle ayant mal tourné, de secrets éventés par volonté de se faire mousser ou d’en tirer profit, de vol d’idées et d’appropriations éhontées… Nous en reparlerons.

On peut dire que l’automate se faisait un peu souffler ses réponses

Dans le cas de Psycho, la clé du mystère se trouvait sous le cylindre de verre : un soufflet était actionné par un assistant en coulisse ! De l’air comprimé venait actionner un à un les mécanismes d’horlogerie à l’intérieur de la machine, lui permettant de se mouvoir selon la volonté de l’individu qui l’opérait (pour simplifier : le petit bonhomme tournait dans un sens ou dans l’autre suivant que l’air était soufflé ou au contraire aspiré). Vous noterez donc que, là encore, il ne s’agissait pas d’un automate à proprement parler, puisqu’un opérateur devait nécessairement intervenir pour actionner la machine.

Mais les politiciens le savent bien : pour donner l’impression qu’on s’active, pour faire croire qu’on fait bouger les choses et que sans nous rien n’avancera, il suffit souvent de s’agiter frénétiquement, de souffler fort et de faire de grands moulinets des bras !

LA vidéo à voir sur le sujet

Pour aller plus loin :

  • Article le plus complet sur cette page – truffé de reproductions de documents historiques, il vous en apprendra davantage sur le mécanisme précis à l’origine des mouvements
  • Démonstration (très lente !) du fonctionnement de l’automate, sur la base de l’un de ses avatars conservés par l’inventeur et collectionneur John Gaughan : en vidéo
  • Quel est le politicien qu’on associe le plus aux « moulinets » ? Réponse sur Google